Démarche
La forme. L'ombre. Le reflet
Substituant le verre à la toile, je fais de l'ombre la matière première de mes travaux.
Explorant les notions d’ambiance, de seuil et d’ambiguïté, j’en suis venu à forger le concept poétique d’Entre-là, que je mets à l’épreuve dans mes tableaux-installations sur verre, protocoles à activer, créations en poésie et compositions musicales.
Si au premier abord ma recherche semble emprunter ses caractéristiques au minimalisme, cette épure n’est qu’un prétexte à mettre en scène l’ombre et le reflet, phénomènes que le philosophe Clément Rosset qualifie d’Impressions Fugitives. Plus profondément encore, l’attrait que j’ai pour l’insaisissable trouve sa source dans mon expérience intime de la disparition et dans mon aphantasie, une atypie cognitive empêchant de générer des images mentales, des souvenirs visuels, et qui favorise chez moi l’émergence d’une conscience aveugle, attentive à l’imprévisible dont le langage du réel est tissé.
Le Grand Verre de Duchamp et ses pensées sur l’Inframince imprègnent nécessairement mon travail. Mais c’est la nature paradoxale
du verre, à la fois invisible et tangible, qui m’a conduit à le choisir pour présenter ce que l’on peine à se représenter.
Fragile parce qu’il est solide, ce matériau n’est à mes yeux pas une simple surface mais une interface entre le sensible et le conceptuel.
Il est la toile lisse, transparente, sur laquelle je viens appliquer la peinture opaque avant de la soustraire à l’aide de lames pour obtenir une forme essentielle. Un signe, dont l’ombre projetée sur le fond parallèle ou oblique de mes travaux installés au mur, au sol ou sur socle, appelle le regardeur à faire circuler sa vision parmi les niveaux de lecture pour en apprivoiser les variations tout en renonçant au désir de les saisir complètement.
Sous sa rigueur formelle, ma proposition dissimule un aspect ludique, incitant à interroger la diversité des points de vue. La tension entre apparition et disparition qui la caractérise trouvant sa résolution dans le changement de perspective, elle est une invitation à renouveler continuellement le regard. Car derrière cette réaffirmation de la situation de chacun par rapport à l’œuvre réside une question qui déborde le cadre artistique : sommes-nous prêts à quitter l’espace utopique du tableau pour habiter l’espace ouvert de l’incertitude ?